
Ceinture noire : le Kihon Ippon Kumite enfin démystifié
Le passage de Grades pour la ceinture noire se compose de 6 modules : le Kihon, les Katas, les Bunkaï, Kihon Ippon Kumite (combat codifié à deux), Jiuy Ippon Kumite (assauts à deux) et Ju Kumite (ou Randori, combat libre). Nous allons, au cours d’une série d’articles, étudier la totalité de ces modules, qui vous seront demandé le jour du passage de grades. Etudions ici le KIHON IPPON KUMITE.

Module n°4 – Le KIHON IPPON KUMITE
Le principe : A partir de ce module, on entre dans le côté combat, les 3 derniers modules étant tous basés sur un travail avec un partenaire actif (dans le bunkaï, il est passif).
Le module Kihon Ippon Kumite est un « combat codifié » avec un partenaire. Chacun est tour à tour Tori puis Uke et l’exercice est identique pour les deux candidats.
Comme pour le bunkai, on est ici dans le « par cœur » et le « zéro risque », dès lors que tu t’es calé sur 10 ripostes à effectuer, quel que soit ton partenaire.
Comment ça se passe ?
Tori et Uke se font face et se saluent. Ils sont à distance de poing. C’est Tori qui guide tout l’exercice : il recule la jambe droite et se met en position d’attaque. Uke reste en Yoi. Tori attaque 10 fois, en exécutant 5 attaques, alternativement 1 fois à gauche et 1 fois à droite. Chaque technique est annoncée haut et fort avant l’assaut et elle se termine par un kiaï puissant. Entre chaque technique, les deux partenaires reviennent en Yoi dans la position initiale. Voici les 5*2 techniques :
- Oï Zuki Jodan à gauche
- Oï Zuki Jodan à droite
- Oï Zuki Chudan à gauche
- Oï Zuki Chudan à droite
- Mae Geri Chudan à gauche
- Mae Geri Chudan à droite
- Mawashi Geri Jodan ou Chudan à gauche
- Mawashi Geri Jodan ou Chudan à droite
- Yoko Geri Chudan à gauche
- Yoko Geri Chudan à droite
Sur chaque attaque, le travail de Uke consiste à parer l’attaque et à contrer frappant et en contrôlant la riposte pour ne pas toucher ni blesser son partenaire. Le contre est net, la position clairement maîtrisée, la riposte est efficace et elle est accompagnée d’un Kiaï. Quand les 10 techniques sont réalisées, Tori et Uke échangent leurs rôles et l’exercice est répété de la même manière.
Sur quoi tu es jugé ?
Tout d’abord sache que tu es jugé en tant que Tori et en tant que Uke. On pourrait penser que seul le travail de Uke est noté mais pas du tout : si tu attaques n’importe comment, en te trompant de technique ou de niveau, ou sans énergie ni Kime, Uke ne pourra pas bosser et il sera dans l’incapacité de montrer l’étendue de son karaté. De sorte que le rôle d’attaquant est essentiel.
Donc en tant qu’attaquant (Tori) tu es jugé sur le respect de la forme de l’exercice, sur la qualité et la précision de tes attaques, sur la clarté de tes annonces orales et de ton kiaï et sur le Kime que tu vas garder tout au long de l’exercice, en restant connecté, émotionnellement et visuellement, avec ton partenaire.
En tant qu’attaqué (Uke), tu seras jugé sur ton attitude de combattant, ton équilibre, tes positions, la qualité de tes contres et la richesse / variété / vitesse / puissance de tes attaques. Idéalement, chaque enchaînement contre / attaque doit être différent du côté gauche et du côté droit, pour montrer la diversité de ton potentiel technique. Ce n’est pas obligatoire mais ça fait grimper ta note.
Ce que tu dois maîtriser
La connaissance de l’exercice – que ce soit comme Tori ou Uke, tout est écrit et inscrit en toi. Zéro surprise. C’est une récitation. La forme de l’exercice est un acquis.
La notion de DISTANCE – cette idée est fondamentale, que ce soit pour Tori ou pour Uke, les attaques doivent être portées dans la bonne distance, c’est-à-dire avec une notion de RÉSERVE dans les techniques portées : si tu es à bout de bras, c’est que ton attaque n’est pas efficace car hors-distance.
Ton stress et la frousse – tu peux tomber sur un Tori hyper agressif qui va porter chaque technique au max. Si le stress ou la peur te domine, tu es perdu… et en danger. Tout ton travail préparatoire doit inclure cette dimension émotionnelle.
Les 10 enchaînements riposte / contre-attaque – une fois encore, révise en utilisant la visualisation mentale. Pour que les séquences soient gravées en toi.
Le(s) piège(s) à éviter
Se mettre en phase avec l’énergie insuffisante ou négative de ton partenaire – il se peut que le partenaire avec qui tu vas travailler soit mal préparé, froussard ou pas très technique. Imagine qu’il soit tout mou ou tout stressé : le risque est grand que tu adoptes son attitude mentale et physique. Un peu comme quand quelqu’un parle en chuchotant, tu te mets à chuchoter aussi (l’histoire des neurones miroirs). Donc sois prêt : quelle que soit l’énergie de ton partenaire, la tienne doit être à 100% , en attaque comme en défense.
Oublier les kiaï – avec le stress, ça peut arriver. Sur cette exercice, tu dois donner 20 Kiaï : 10 en tant que Tori ; 10 en tant que Uke. Pas un de plus. Pas un de moins.
Toucher ton partenaire – Les niveaux peuvent être très disparates lors d’un passage de grades : pendant tout l’exercice, veille au contrôle, qui doit être absolu. Toucher ton partenaire, même s’il est fautif, pourra provoquer ta disqualification.

La vraie difficulté
Rester concentré tout au long de l’exercice, rester dans ta bulle tout en te connectant avec ton partenaire. Cet exercice, quand il est réussi, est visuellement très beau et impressionnant.
Nos conseils
Laisser du temps entre l’annonce et l’attaque – Ca aide ton partenaire, vous êtes là tous les deux pour COLLABORER en mode gagnant / gagnant, pour avoir tous les deux le grade. Si tu es réglo et cool avec lui, il y a 95% de changes qu’il fera pareil avec toi.
Zéro pause – Cet exercice, considère-le, du début à la fin, comme une seule séquence. Exactement comme un kata. Dès que ça commence et tant que ce n’est pas fini, interdis-toi la moindre pause, le moindre relâchement physique ou mental. Même entre deux attaques, tu dois rester droit, martial, concentré, connecté, prêt au combat.
Zéro impro – Tout est préparé donc ne viens pas au passage de grades en te disant que tu trouveras la solution. Avec le stress, c’est mort.
Varie les ripostes – si tu veux augmenter ta note, dans ton rôle de Uke, ce que tu fais de chaque côté est différent. Si tu dupliques en miroir le travail, je considère que tu as fait le job à moitié. Et le jury pourrait me suivre sur ce point.
Comment s’entraîner ?
Evidemment à deux… Même si tout commence, là aussi, par un travail d’écriture. Pose-toi au calme et seul, écris les 10 parades / riposte que tu vas proposer au jury. Apprends-les et commence à les bosser en cours, avec un partenaire. Tu pourras juger de leur efficacité, vérifier qu’ils te conviennent et, au besoin, tu pourras les corriger.
Une technique très efficace est de se filmer pour voir « de l’extérieur » le modèle que tu vas mettre en place. Pas besoin d’une équipe de prod, ton smartphone est parfait pour cela.
Varier les partenaires – dès que tu maîtrises l’exercice, pense à le travailler avec des partenaires différents, de sexe, morphologie, taille et niveau variés. Ce qui fonctionne avec un grand ne marchera pas forcément avec un petit. Tu dois te préparer à toutes les EVENTUALITÉS.
Comment je l’ai vécu ?
Comme un tunnel : j’avais l’impression que mon corps bossait tout seul. C’était presque flippant et je sentais que si j’intervenais, tout allait s’écrouler. Je ne conseille pas de se mettre dans cette situation, car j’étais au bord du précipice en permanence. Même si je pense avoir bien bossé ce jour-là. On va dire que c’est passé de justesse. J’ai compris qu’il fallait mieux gérer le stress et garder un peu de recul pour mieux gérer l’exercice.
En conclusion ?
Avec Kihon Ippon Kumité, on entre dans la zone de combat donc il faut considérer cet exercice comme tel. Ce n’est pas une chorégraphie, c’est déjà du combat. Il faut garder ça à l’esprit pour réussir. Se comporter en guerrier impavide est donc la seule option.